Marche de Lenxxx accompagné par Cedric
Mercredi 11 octobre
L : Bonjour, je m’appelle L. Avec Cédric, mon accompagnant, on est arrivé en Espagne à Séville.
Aujourd’hui, on a visité la ville, on a regardé des magasins, on a vu des chicos, des trop belles chicas. Cédric, lui, il a préféré les monuments historiques.
Demain, on part pour notre première journée de marche. J’espère qu'il ne fera pas trop chaud. Ce soir, nous sommes allés dans un bar voir un match de foot Espagne/ Ecosse. Je vous dirai demain qui a gagné.
Aujourd’hui, je n’étais pas chaud pour partir. Maintenant je suis content d’être là, mais faut voir par la suite, il y aura des moments durs. Je sais que j’en aurai marre d’être là, mais pour l’instant ça va, et en tout cas, je vis au jour le jour.
Cédric : Avec L, nous apprenons à nous connaître petit à petit. On se découvre des racines communes, nous sommes tous les deux bretons, mais aussi avec des différences. Il est fan de fast food, moi de bananes et de graines de courge. Sympa le tableau. Mais ce n’est qu’un coup de pinceau baveux planté dans un magnifique décor. Trois mois de marche sur la via de plata où je l’accompagnerai. Je m'appelle Cédric, j’ai une trentaine d’années et je travaille avec l'association depuis quasiment deux ans.
Après une journée de transport entre le train, l’avion, le bus, nous sommes arrivés à Séville hier soir. Nous crapahutons dans la ville toute la journée. Je suis stupéfait par cette architecture majoritairement en pierre. L, lui aussi est stupéfait par autre chose.
La journée de demain s'annonce aussi chaude qu’aujourd’hui. Pas besoin de jouer avec le feu, on n’a pas envie d’être sous le grille-pain. Alors demain, sac sur le dos vers 7h du matin.
Jeudi 12 octobre :
L : Aujourd’hui, on s’est levé à 6h20, on est arrivé à 15h. C’était dur. Il faisait chaud. J’avais et j’ai toujours mal au dos, aux hanches, aux jambes. J’ai envie d’abandonner. Mais je ne peux pas. Je suis KO de la marche. J’ai dormi 2h après être arrivé.Cela fait deux nuits qu’on ne dort pas beaucoup. J’espère que ce sera plus facile demain. Là on va aller faire les courses, manger et on rentrera pour bien se reposer j’espère !
Cédric : Nous pouvions rêver mieux comme début de marche. Cela commence par une dizaine de kilomètres à longer une nationale, puis le chemin commence véritablement, brutalement. Il est 11h. Nous marchons depuis 3h et nous voilà face à une longue ligne droite caillouteuse, poussiéreuse; Tout autour, des champs de terre labourés d’un marron plus foncé.
On rentre dans la fournaise, la chaleur nous étouffe. Les mots suffoquent et s’évaporent. 33° sera le pic de la journée, ça nous a achevés en fin de marche.
Demain, réveil à la même heure pour quelques kilomètres en moins. On s’arrête à 18 km dans le village de Castelblanco.
Vendredi 13 octobre :
L : Aujourd’hui, on a marché un peu moins qu’hier (19 km), on a fait que deux pauses, 30 mn en tout. J’ai bien marché, j’avais un bon rythme. Vers 12h, on est arrivé à Castelblanco. J’ai marché vite mais depuis ma sieste, j’ai mal partout au dos, aux jambes et surtout j’ai la migraine. Demain on va faire 17 km. J’espère que ce sera pas trop dur. J’ai jamais faim, j’ai même mal au ventre, donc j’ai de moins en moins de force. J’espère que je vais tenir et que contrairement aux autres nuits, je vais pouvoir bien dormir pour être en forme;.
Cédric : L’arrivée d’hier m’inquiétait. L était épuisé. Aujourd’hui, son entrain était plus fluide. Les pauses moins nombreuses. Nous quittons la route et son bitume pour un chemin poussiéreux au milieu des oliviers. Il arrive plus énergique. Nous en profitons pour visiter directement ce petit village de Castelblanco. On reconnaît ce côté sudiste avec des habitations aux façades blanches pour combattre la chaleur suffocante qui s’y dépose. On le remarque aussi à la présence de nombreux cactus sur le chemin, tous plus intrigants les uns que les autres avec leurs formes singulières.
Singulier sera son comportement changeant du tout au tout après une sieste”maudite”. Il en sort plus fatigué et vaseux, étrange…..
Samedi 14 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : Troisième jour de marche où nous parcourons 14 km dans un parc national. Le jeune breton marche d’un bon rythme. Le silence se suffit à lui-même, il permet de découvrir la nature aux alentours qui se réveille. L’espace d’un instant ses doutes se dissipent. Il regarde ce qui nous entoure, tête relevée.
Puis, lorsque la fin de la journée de marche arrive, la tête se rabaisse. Les préoccupations repartent de plus belle. Comme dans la vie, il y a des hauts et des bas. Il faut savoir sortir du bas, ne pas s’y attarder. Allez, courage !
Dimanche 15 octobre :
L : Aujourd’hui, on a pu partir un peu plus tard que d’habitude vu qu’il n’y avait pas beaucoup de kilomètres à faire. A l’arrivée, j’ai quand même fait une sieste. On s’est réveillé, on a été visiter un château et on est rentré faire un Uno avec un espagnol et là on a fini la journée tranquille.
Cédric : Les doutes planent au-dessus de notre tête autant que les nuages gris qui couvrent le ciel durant toute la journée de marche. L’ennui et les interrogations finissent par se dissiper. Les langues se dénouent, les mots fusent plus vite que les pas.
Je découvre un garçon attaché aux animaux. Clic ! Une première photo avec un âne. L’acteur pose, il faut être élégant pour la photo. L’après-midi se découvre, le ciel se dégage, ses pensées deviennent plus joyeuses. Il dévoile une partie de sa personnalité : rieur, blagueur et souriant. Finalement, c’est pas si pire que ça la marche ?
Lundi 16 octobre
L : Aujourd’hui, on a beaucoup marché. On est arrivé à 14h30. On a fait la sieste. Demain on va marcher plus qu’aujourd’hui. C’est ch….
Cédric : Déjà 5 jours que nous marchons. Nous quittons la terre aride d’Andalousie pour des paysages plus montagneux, plus verdoyants. Nous voilà arrivés dans la région d'Estrémadure. Déjà 80 km d’effectuer. Cela passe à une vitesse incroyable. La marche a ce pouvoir secret de donner l’illusion de suspendre le temps.. Les jours défilent, riches d’évènements et d’anecdotes. Par exemple, depuis deux jours les parties d’Uno défilent et L en est le roi incontesté, avec un grand nombre de victoires.
Mardi 17 octobre :
L : Aujourd’hui, on a beaucoup marché (27 km) avec que deux, trois pauses parce qu’il pleuvait beaucoup, mais au bout de 18 km, on a fait 3 km avec un ami de Cédric “Luffie” un, gros chien berger qui nous a suivi partout. On a rigolé mais arrivés en ville, on l’a perdu. Cédric était content (mdr). On a fini la marche avec “Juan” c’est mon pote. Il est du Barça (mais moi je préfère Madrid) Il a 66 ans mais c’est mon pote quand même. Une heure après notre arrivée, j’ai dormi. J’étais trop fatigué. Maintenant on va aller manger avec lui.
Cédric : L’étape du jour nous amène plus loin que l’arrivée initialement prévue. La faute à des logements fermés. Cela n'entache pas le moral de L qui, malgré la pluie qui s’invite, il finit l’étape de 27 km avec le sourire. Cette première longue étape réussie n’est pas sans conséquence. Arrivé au gîte, il part au pays des songes pour quelques heures. Il faut recharger les batteries, écouter son corps pour assurer la suite de l’aventure.
Ce soir, nous dînons avec Juan, un barcelonais. Le chemin est un lieu de rencontres, dans la simplicité où le jugement est aux abonnés absents. Dans le groupe qui est constitué et qui se suit jour après jour, L a le titre de “petit chouchou” et est apprécié de tous.
Mercredi 18 octobre :
L : Aujourd’hui, on n’a pas fait beaucoup de kilomètres (18,6 km). J’ai fait le chemin avec mon pote Juan. Il pleuvait, ça faisait “chauffer” mais vas-y tranquille.
Arrivé, j’ai fait ma sieste pour ne pas changer . On est allé se promener, manger une glace et suis allé chez le coiffeur. On a fait des courses et on est rentré, avons pris une douche et là on ne va pas tarder à aller au restaurant avec mon pote, Juan, et on ne tardera pas à rentrer pour se poser. En ce moment, je suis “déter”. pour la marche. Je me suis mis certains trucs en tête qui font je ne peux plus m’arrêter maintenant c’est mental, faut pas que je m’écoute sinon tous les jours, j’arrête. Mais c’est bon, tranquille, là j’ai le rythme, faut que ça dure c’est tout.
Cédric : Juan, c’est vraiment le coup de cœur en ce début de chemin. L dans sa simplicité est touché par cet andalou au sourire sincère, à l’affection touchante. Tel un symbole, un échange de bâtons pour la journée s’effectue.
Ce soir, c'est peut-être le dernier repas avec Juan car il a décidé de rester au repos. Pour nous, la marche ne s’arrête pas là, même si la pluie sera apparemment de la partie demain. Un bon test va arriver, le mental va être mis à rude épreuve.
Jeudi 19 octobre :
L : Aujourd’hui, on a marché 20 km. Pour ne pas changer, cet après-midi, j’ai fait une big sieste et on est sorti vers 18h avec les pèlerins. Il y en a une, Margrita, ma préférée, après Carmen qui m’a offert un haut Nike comme pour me montrer qu’elle m’aime bien. Après on est allé visiter un musée. C’est le premier depuis qu'on est arrivé que j’ai vraiment aimé. On est allé faire les courses. Là, je vais manger des spaghettis/bolognaise que les filles m’ont préparées. Je vais regarder un match de foot et après j’irai aller dormir. Suis KO.
Cédric : Et bien aujourd'hui, notre bonne étoile a été brillante. Par chance, nous arrivons à l’auberge avant que la pluie s’abatte, se déchaîne. Autant que la marche de L sur ce chemin argileux au milieu des vignes où son rythme effréné nous amène en moins de 4 h à Villafranca de Los Banos à 20 km de Zafra;
L’adolescent breton “commence à prendre le pli”, comme j’aime à le dire.
Aujourd’hui est un jour spécial pour L, il a décidé de regarder devant lui, de ne plus se retourner vers les doutes. Le regard haut, le cou droit, il s’est promis d’aller au bout de l’aventure. Bravo à lui, que sa promesse soit tenue.
Vendredi 20 octobre
L :: Aujourd’hui, on a beaucoup marché 27 km. C’était long, que du tout droit, que des champs , autour c’était ch… J’ai fait une grosse sieste. On est allé boire un truc et on a fait les courses. Là, on va bientôt manger et on va dormir. Demain, c’est tranquille. On n’a que 18 km à faire. On arrivera à Mérida et le lendemain, jour de repos. C’est carré.
Cédric : 8 h, un froid saisit les jambes au moment de commencer l’étape du jour, en compagnie du groupe d’espagnoles. Le ciel noir annonce rien qui vaille. Nos doutes se confirment, une première douche improvisée arrive. Heureusement, les fortes rafales laissent apercevoir des éclaircies bienvenues.
Au loin, quelques petites bosses à peine plus hautes que l’auriculaire se perdent dans l’horizon. Au milieu de cela, notre chemin gravillonneux où foulent nos pas. Droit, rigide. Dans un virage, autour de nous des vignes et des vignes, aucun relief; .Passé deux heures de marche, le décor est à l’identique. Seules les bosses de plus en plus distinctes nous confirment que nous avançons. Jusqu’à ce que les formes deviennent des montagnes majestueuses, nous comprenons que les 27 km sont derrière nous, autant que cette longue ligne droite.
Samedi 21 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : Petite étape de 15 km pour rejoindre la ville aux vestiges romains, Mérida; Nous découvrons de multiples antiquités romaines. On fait les touristes, glace à la main. Moment de détente. On retrouve par hasard Juan, un pèlerin rencontré plus tôt sur le chemin. L a été lié d’affection pour lui. On discute avec, On prend des nouvelles. Il repart marcher demain alors que nous restons à Mérida une journée pour se reposer.
Le soir, nous passons une dernière soirée avec les cinq dames venant de Pampelune. On assiste à un magnifique concert de piano en pleine rue. Le décor romain en arrière-plan rend le moment magique. Il semble apprécier autant que moi car nous restons une bonne heure. Le froid nous saisit, on se réfugie dans un restaurant végétarien pour un plat de lasagnes délicieux. Il s’est aussi laissé tenter et il n’a pas regretté.
Tout comme le réveil de demain , puisqu’il se fera sans réveil !Demain, repos, récupération.
Dimanche 22 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : La fine pluie qui nous colle à la peau ne nous fait pas prendre notre élan à visiter les édifices romains de la ville de Mérida.Les rues sont désertes contrairement à hier, c’est plus agréable de s’y balader. Le crachin se transforme en grosses gouttes. On rentre plus tôt que prévu. L fera sa première nuit jusqu’à 21h30. Il dort tellement comme une tombe, que réussir à le réveiller relève du miracle, C’est comme essayer de réveiller un ours en hibernation, il faut du temps et de la patience.
Lundi 23 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : Tout allait bien jusqu’à aujourd’hui et ce matin l’ombre du doute est ressortie de plus belle. La marche devient soudainement bancale. Le temps qu’offre la marche laisse la place à trop de questions, trop de passé qui ressort, dont on avait oublié l’existence….
Alors, les parties de football sont les bienvenues. Elles apportent un peu de légèreté et de simplicité. Penser à rien l’espace d’un instant
Mardi 24 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : L’ombre du doute s’est propagée, elle devient un ciel noir, orageux comme le grondement qui nous accompagne ce soir. Les jambes deviennent fébriles autant que le moral.
Le bout du tunnel s’assombrit toujours plus, l’éclat de lumière s’affaiblit.
Il n’a plus d’intérêt à continuer le chemin. Sa décision semble définitive.
Mercredi 25 octobre :
L : n’a pas écrit
Cédric : Alors nous restons à quai. Du mouvement continu, nous passons à l’immobilité. Il n’est plus question de remonter dans le train des souvenirs, des interrogations, du passé. Trop dur, trop douloureux, trop tôt aussi, peut-être.
Il y a aussi eu des paysages arides, montagneux, poussiéreux, de belles rencontres et des centaines de kilomètres effectués. Un avant-goût authentique de l’aventure qui l’attendait. Mais non. A quoi bon continuer une aventure qui “ne me changera pas”. Son choix est aussi définitif qu’était belle cette aventure.
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