Marche de Mathxx
- pierresauge
- 28 févr.
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 mars
Marche de Mathxx accompagné par Marielle
Mercredi 26 février
M : Bonjour. On a démarré le 26 février. On a pris le train (6 h). On est arrivés à 17h30 et on va marcher très très longtemps (3 mois). On va marcher jusqu’en Espagne (Saint Jean Pied de Port). J’ai bien aimé le voyage en train.
Marielle : Après deux jours de connaissance, de préparation pour être “équipés” en vrais randonneurs, aventuriers, voilà aujourd’hui, le départ pour le Puy en Velay. Nous avons hâte de prendre le chemin, M comme moi. Se fixer un objectif (M semble très motivé à aller jusqu’à Compostelle), c’est super, mais tout ce qu'il y a à vivre chaque jour, chaque étape, on va rechercher cela.
Journée un peu longue à trimballer nos sacs dans les trains du Nord de la France au Puy en Velay. L’occasion de regarder un peu avec M où on allait, le parcours, la France, l’Espagne… On s’occupe avec des jeux, pas simple à 15 ans, sans portable ! De belles petites discussions intéressantes. Il adore prendre des photos avec un appareil que lui a confié Seuil.
Nous terminons par un moment fort et émouvant pour tous les deux, en visitant la cathédrale nous avons trouvé l’endroit où le pèlerin ou randonneur peut mettre une intention pour son chemin. M a voulu qu’on l’écrive ensemble. Bon sinon, M continue à me vouvoyer Brrr… Il va falloir vite arrêter ça.
Jeudi 27 février : Montbonnet
M : On s’est levés ce matin ; on a pris le petit déjeuner. On a été à la messe pour une bénédiction pour mon chemin. Il y a une fille, Charline. Elle nous a accompagnés jusqu’à la moitié et ensuite on a vu un monsieur qui s’appelle Alain. Il nous a emmenés sur le vieux chemin d’y il y a 1000 ans. On est passés devant une grotte et on a été dedans. On est arrivés à Montbonnet.
Marielle : Et voilà… nous y sommes ! Première étape. On a décidé tôt ce matin de se rendre à la bénédiction des pèlerins à la cathédrale pour symboliser le moment des départs. Quelques signes du GR à trouver dans le Puy et on continue avec une randonneuse. M ne demande que cela. Les paysages se découvrent à nous, arbres, sentiers, au loin on pressent les montagnes et un peu de neige avec cette sensation de quitter le monde urbain, notre monde, partir à la découverte.
M semble se sentir bien, on discute, on marche en silence. On s’ajuste, il est assez “up and down”. C’est lui. Parfois on sent que cela peut exploser pour une bricole (l’appareil photo qui ne s’enclenche pas, une ceinture de sac qui se coince…) mais c’est lui. Le chemin va lui apprendre c’est certain de meilleurs contrôles, à se canaliser.
Et une soirée magique au gîte de Anne et Didier. Deux personnes remarquables qui écoutent, conseillent, partagent, échangent. Allez une petite chanson pour terminer la soirée avec la voix profonde de Didier Ultreïa : “Tous les matins nous prenons le chemin ; tous les matins, nous allons plus loin ; jour après jour, la route nous appelle, c’est la voix de Compostelle”.
Vendredi 28 février
M : Ce matin, avec Didier, vu que j’avais perdu mon crédencial, j’ai discuté avec Marielle et du coup, j’ai racheté avec mon argent de poche.
Marielle : Début de journée difficile. Petit souci organisationnel pour payer les hébergements. On veut être autonomes, alors on fera un p’tit demi-tour de 6 km pour aller chercher de l’argent en prévision de plusieurs étapes. Puis M qui ne retrouve plus son crédencial dit qu’il s’en fout etc… Mais il ne part pas en colère et on arrive à se mettre un peu à l'écart pour discuter, propose d’en racheter un, qu’il comprend l’importance de ces étapes estampillées à chaque refuge traçant son chemin. Je suis trop contente de sa réaction. Alors d’accord. Début de journée “chon - chon” mais fin de journée à fond, en chanson sur l’air de Ultreia que l’on apprend ensemble.
Après un coup de mou, début d’après-midi, les paroles de la chanson à la main et écoutant l’enregistrement de la veille, ont éclairé son visage et sourire aux lèvres. On a grimpé et descendu dans un froid glacial, de superbes paysages.
Ce soir au gîte, on retrouve Eric, un autre randonneur et un autrichien. Ça parle français, anglais. Je traduis à M qui me dit qu'il ne comprend rien, du coup il est resté avec tout le monde.
Samedi 1er mars :
M : n’a pas écrit
Marielle : Journée très difficile pour M. Lorsque tout était super bien la veille au soir, il a “vrillé” ce matin au lever. Pour une lumière trop forte allumée dans le dortoir par un marcheur, il se lève furibond, envoie tout balader, prend son sac et part. Bon, j’ai pu le rattraper, puis retour au gîte, retour au calme, temps de discussion et … reconnexion au bord de la rivière, il veut arrêter la marche, il a mal aux jambes, à une épaule.
Décision de rejoindre la prochaine étape en stop. Il fait 2°c, on pique-nique quand même dehors, café/chocolat chaud entre deux pour rejoindre le gîte à 15h (heure d’arrivée habituelle). J’ai cette impression qu’arriver avant n’amènera rien. Discussions, trouver des accroches, il écoute quand je lui mets dans l’oreille de se fixer un objectif court, sans pression. Il approuve, même dit que c’est bien d’aller en Espagne… puis à la fin redit “je rentre lundi”. On fera l’étape demain (à pied j’espère !) 20 km. A suivre. Demain est un autre jour.
Dimanche 2 mars : Le Sauvage
M : Je me suis levé au matin ; il y avait encore de la neige (3 - 4 cm de neige) et on a marché 20 km en 8h. On est arrivés à 16h30 et on s’est installés. On a passé la soirée et c'était très bien
Marielle : Tout d’abord, un petit mot sur les hébergements. Nous sommes parfois en demi-pension, parfois en dortoir en autonomie, donc on se fait notre “popote”.
Les personnes sont précieuses pour notre binôme, André à Monestrol, Cynthia à Saugues (M s’en souviendra toujours, dit-il).
Ce chemin se fera un jour à la fois, voire une demie journée à la fois.
Hier soir, en se couchant M m’appelle et me dit tout bas : “peut-être que je continuerais deux jours”, ce matin au lever “je rentre demain”. et aujourd'hui, décision : “je continue jusqu’à Conques pour quelques étapes”.
Ce soir, difficile, il s'emporte, veut passer des coups de téléphone, s'emporte “j'arrête”.
Sinon une très belle journée. Démarrage sous la neige, puis soleil qui arrive en milieu de journée, de beaux paysages. Belle étape de 20 km.
Lundi 3 mars Saint Alban de Limagnole
M : n’a pas écrit
Marielle : Ce matin, en partant, M a décidé que ce serait sa dernière journée, qu’il reprenait le train ce soir… et puis… et puis… Une rivière pour se baigner dans l’eau glaciale, un beau soleil et forêts et landes sauvages, un coup de téléphone re-boostant à sa référente, et chanter !!!
13 km, petite étape mais intense. Ce soir, nous sommes en autonomie au gîte. M rencontre des jeunes qui sont en stage de maréchal ferrant, ça discute, ça rigole.
Bon allez, la soirée n’est pas terminée, nous nous sommes dit que l’on faisait une virée nocturne à la frontale pour retourner un abri-hutte en bois, fait par une artiste locale.
PS He oui, M n’est donc pas monté dans le train, ce soir !!
Mardi 4 mars : Aumont-Aubrac
M : Je me suis levé ce matin à 6h30 ce matin et on a marché 5 h
Marielle : Belle journée. On part tôt, enfin 8h. M s’est levé à 6h30 pour saluer l’équipe de jeunes rencontrés la veille au soir, au stage de maréchal ferrant. Rencontrer du monde, leurs chansons, sa chanson Ultreia, “Faire le grand”, il adore !!
Ce soir, on se retrouve avec les 4-5 marcheurs connus, on se croise, on se retrouve dans les refuges, on s'échange les adresses, prix, numéros de téléphone… et l’organisation, les réservations se font pas mal. Nous réservons à chaque fois que possible dans un gîte en autonomie… donc courses et popote le soir. (budget Seuil oblige ha Ha !). C’est le moyen de faire les choses ensemble. Avec un autre marcheur, depuis trois jours, on fait les repas communs. Allez, grosse étape demain, on va tester le “gaillard” !!
Mercredi 5 mars : Nasbinals
M : Ce matin, je n’étais pas très en forme mais après on a marché 18 km en 4h
Marielle : Le départ matinal…ne se passe pas bien… M de nouveau part, puis revient, puis repart… Au bout d’une heure, il revient au gîte. Je le laisse “redescendre” mais que c’est compliqué.
Je vais laisser pas mal d’énergie toute la matinée à être là, discuter, ajuster, proposer, mais ça va, j’ai pas mal de réserves !
Décision est prise à midi de prendre le chemin, on fera pour finir 18 km.
Le chemin n’a pas encore “pris” M
Il a beaucoup de difficultés à se sortir de ses coups de colère ; quand quelque chose ne se passe pas comme il veut, je n’ose même pas dire, si on lui dit gentiment “non” : ça, cela est tout à fait impossible.
Par contre, il arrive à revenir sur ses emportements et violences verbales…C’est déjà ça. Que j’espère qu’un nouveau M voit le jour grâce à cette marche ; les coups de téléphone à sa référente ASE, à sa grande sœur, à Célestin, responsable de marche, sont des jokers précieux.
Ah oui, moi ça va. Le sac à dos est lourd, je porte beaucoup pour alléger l’épaule de M qui lui faisait mal (guérie en une soirée, c’était pas bien grave) et j’ai aussi mon tapis de sol pour me faire des petites séances de yoga (pour l’instant, vraiment petites).
J’espère une journée calme demain à juste profiter, regarder, respirer.
Jeudi 6 mars : Saint Chély en Aubrac
M : On s’est pris du vent et on est passé devant un abri pour manger et on est allés au gîte. On a bu un verre et nous avons mangé au resto ”une pizza".
Marielle : n’a pas écrit
Vendredi 7 mars : Espalion
M : On s’est levés ce matin et on a déjeuné. On a marché 24 km en 8h. On est arrivés au gîte
Marielle : Objectif : Conques pour une pause d’une journée. Yes ! On a l’accord de Célestin, notre responsable de marche.
Alors aujourd’hui, objectif : 24 km
Un grand merci à Célestin et la référente de M qui ont pu le rassurer sur un point familial sensible ce matin. Cela nous a permis d’être rassurés, cela lui a permis d’être rassuré et… en avant toute pour de belles montées, descentes un peu techniques. Ouh Ouh… On est arrivés bien “jus” comme on dit dans le Nord.
Je retiendrai la phrase de M qui au détour du chemin me lance “et on dirait que le vent, il est doux”. Cela m’a touchée.
Samedi 8 mars : Campuac
M : n’a pas écrit
Marielle : Lever compliqué. Je sens que M n'est pas très bien. Et 1 kilomètre après le départ, il plaque tout, sac à dos, bâtons et ne veut plus marcher. Il veut arrêter. Encore une fois…que faire ? garder le lien, laisser un peu de temps. Mais dans ces cas-là, il y a peu de marge de manœuvre. Alors que fait-on ? On reste sur place ? On va à 10 km au village pour dormir là (et on chamboule toutes les réservations et étapes ? S’il faut le faire, pas de problème, on adaptera).
Ou alors, on va au milieu de ce village en stop à 10 km, puis on termine à pied. Je l'invite à cela, pour quand même avoir une marche et se dire que de toute façon, c’est le week-end, notre responsable de marche pourra refaire un point avec nous mais lundi.
Et M est malgré tout tellement heureux de retrouver la petite équipe des autres marcheurs ce soir qu’il opte pour l’option 3.
Bon, je lui dis que nous ne pouvons valider cette étape vraiment, mais que je suis fière qu’il ait pu discuter, prendre une décision à deux. Fin d’après-midi, nous restons au côté d'une marcheuse, Béatrice, plus âgée qui a la fin d’étape difficile. Et voilà M prévenant, aidant… Partie sombre et lumineuse dans une même journée.
Une soirée extraordinaire, accueillis par Mimi, une hébergeante ordinaire… extra !!! Un marcheur propose un tour de table pour se dire “ce qui nous amène sur le chemin ?” M décline, il préfère …. faire la vaisselle ! C’est toujours impossible pour lui de parler des émotions, de parler de lui.
Et un moment magique : devant les 18 personnes, M se lève, demande s’il peut chanter Ultreia, qu’il chante à capella. Que celle-ci le porte à poursuivre.
Dimanche 9 mars et 10 : Conques
M :. On a marché 22 km et le soir on a été manger. On a été à la chapelle et au repas, j’ai chanté Ultreia
Marielle : Une étape pluvieuse s’annonce avec un orage en milieu de journée.
22 km, on se prévoit un petit raccourci avec tous les autres. Et voilà, M qui se lève, tranquille à 7h30. Super ! Le démarrage à 8h permet une belle journée de marche, avec une arrivée tôt dans l’après-midi, ce qui ravit M. Belle journée, cela fait du bien physiquement et mentalement. Bravo gars.
Mardi 11 mars : Noaillac
M : Ce matin, ça n’a pas été, mais après on a marché 8 km au lieu de 22 km. Le soir j’ai eu une surprise et on m’a envoyé un message de ma sœur que j’aime. Grâce à ça, cela m’a donné de l'énergie Demain, je repars tout droit.
Marielle : Départ pour Livinhac prévu, avec objectif Figeac, Cahors…
Hébergements réservés, mood trip organisé et… patatra.
Levier difficile, M ne veut plus… mais ce matin, il reste là, on peut en parler (un peu !!)
Alors on active des plans B et si on rejoignait le village d’à côté, 8 petits kilomètres. On va prendre en chemin des messages placés en haut de la montée dans le livret de la petite chapelle, puis écrits au sol (il y a vraiment des encouragements de dingue)
Et puis, Célestin, responsable de marche, envoie une surprise pour M. Je sais que cela va être fort, alors on n’ouvre pas la “missive” sans être posés, arrivés au refuge où l’on s’est allumés un feu de bois. Une photo de sa jeune sœur avec un message. Il ne savait pas que M faisait la marche Seuil. Larmes de joie et d’émotion. Je pense qu’il a lâché beaucoup de choses.
La soirée ensuite est gaie, on se partage nos musiques. On a écrit une chanson dans le cahier “spécial chants”. C’est léger, c’est gai, c’est…. Un super moment. Je suis tellement heureuse que M ait pu vivre ce bonheur. Si vous l'aviez vu Marie et Célestin !!! Merci à vous
Mercredi 12 mars : Noailhac
M : n’a pas écrit
Marielle : M ne se lève pas pour reprendre le chemin. Il ne veut plus marcher. Plus rien ne va. Nous allons rester au gîte communal et puis…. et puis….on verra.
Mercredi 19 mars
M : n’a pas écrit
Marielle : Voilà notre binôme s’arrête définitivement. M a décidé de rentrer, il ne veut plus marcher. Après une pause de réflexion pour que le retour soit préparé et se fasse le mieux possible, il reste sur cette décision.
Nous avons vécu des moments forts, de partage, de discussions, des moments de joie et de légèreté, de fierté dans l’effort de cette marche, des moments de complicité à chanter à tue-tête dans le vent de l’Aubrac et en apprenant ensemble l’hymne des pèlerins de Compostelle.
Et puis ces moments plus compliqués, changement subitement de situation pour M, souhaitant tout plaquer, tout arrêter, malgré le soutien, l’aide également des marcheurs rencontrés, des hébergeurs. Merci à eux. Immense merci Célestin, responsable de marche, socle et soutien indéfectible.
Peut-être que dans l’avenir, il recommencera cette marche itinérante, longue, pour prendre de la distance, pour découvrir un ailleurs, prendre confiance en lui, pour se poser, vivre de nouvelles découvertes, rencontres, vivre un nouveau moment présent, tremplin vers un demain.
Je garde le meilleur, M chantant “à capella” devant d’autres marcheurs, le message d’Ultreia “tous les matins nous prenons le chemin , tous les matins, nous allons plus loin”... C’est ce que je te souhaite dans la vie, M, de toujours recommencer et d’aller plus loin.
L'Etat finance chaque marche à hauteur de 80 %.
20 % provient de vos dons
Chaque don compte
(et vous serez défiscalisés) !
_____________________________________
« Pour des raisons de confidentialité, les commentaires mentionnant des informations personnelles concernant les jeunes (prénom, photos, etc…) seront supprimés. Merci d’anonymiser vos commentaires ! »
Bravo Marielle et M !
Je vous suis de loin... Courage ! J'espère que vous avez pu repartir.
Je vous envoie mes pensées.
Véro S.
Marielle, j'ai lu votre carnet de route avec attention et admiration pour vous, marcheurs. Chapeau et bon courage. Moi je marche, mais à Dabadie;